Peut-on choisir sa famille ? Trois films en cette fin d’année nous interrogent : « Mowgli », « Une affaire de famille », « Roma ».
Mowgli, Une affaire de famille, Roma
Peut-on choisir sa famille ?
MOWGLI
Distribué sur Netflix, « Mowgli » est une nouvelle adaptation du Livre de la Jungle de Rudyard Kipling.
Réalisé par Andi Serkis, et scénarisé par Callie Kloves, il mêle prise de vues réelles et captures de mouvements.
Mowgli, bébé recueilli au sein d’une famille de loups, a dû mal à trouver sa place. Ni loup, ni homme, il est rejeté par les deux mondes et le film s’attache à montrer qu’il lui faudra se battre pour ses propres convictions afin de la trouver.
Mû par des pulsions animales, Mowgli incarne l’essence de notre époque, où nous nous tournons de plus en plus vers la nature, où émerge l’idée d’antispécisme (nous appartenons tous à la même espèce) et avons besoin de retrouver nos racines primaires.
Kaa, serpent femelle (la voix est celle de Cate Blanchett), est l’antithèse du serpent biblique qui mène au mal. Elle aide Mowgli à ramener l’harmonie entre les êtres humains et les animaux.
Le film est sombre et magnifique. Le réalisateur reste dans la lignée des films où il a joué (le « Caesar » de La planète des singes et le Gollum du Seigneur des anneaux ) et le récit renoue avec les origines du génial écrivain Rudyard Kipling.
UNE AFFAIRE DE FAMILLE
« Une affaire de famille » a obtenu La Palme d’Or à Cannes cette année. Hirokazu Kore-Eda a réalisé une chronique sociale sur la famille.
La meilleure des familles est-elle celle que l’on choisit ?
Une famille de voleurs vit confinée dans la petite maison d’une grand-mère au milieu d’un conglomérat d’appartements. Elle recueille une petite fille battue qui a fui son domicile. Mais à force de vols et de trahisons, la famille se dissout et ses différents membres s’en détachent ou s’en rapprochent.
Filmé dans un espace confiné, dans des alternances de lumières bleues et jaunes, le réalisateur montre la dureté de la société japonaise et la destruction de toute forme de solidarité, familiale ou non.
Il sait rendre beau l’intimité de cette famille et magnifie les corps et les visages de ces âmes perdues.
ROMA
Enfin, mon coup de coeur : « Roma » Chef d’oeuvre de Alfonso Cuaron, distribué par Netflix.
Génial réalisateur de Y tu mamá también, Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban (meilleure adaptation selon son auteure JK Rowling), La Petite Princesse, Les Fils de l’homme, Gravity , Alfonso Cuaròn, comme Steven Spielberg, filme depuis qu’il a 12 ans.
Ce film a remporté Le Lion d’or à Venise cette année.
Il a grandi dans le quartier Roma à Mexico. Alfonso Cuaron raconte son enfance auprès de ses parents, ses frères et soeur et surtout sa nounou, Liboria Rodriguez, Libo. Le film lui est dédié.
Tourné en noir et blanc, le premier plan est un chef d’oeuvre artistique.
LE PITCH
L’histoire commence avec Cleo. Elle travaille comme domestique avec son amie Adela chez une famille aisée. La douceur et la patience de Cleo font d’elle l’être le plus aimé de la maison au point que la mère, Sofia, jouée par Marina de Tavira, la prend en rivale. Les ruptures dans leurs vies sentimentales, pour l’une, l’abandon de son mari, et pour Cleo, la fuite de l’homme qui l’a mise enceinte, leurs difficultés financières, sous fond de révolte étudiante, provoqueront leur rapprochement. Et Libo finira par ne faire qu’un avec cette famille.
Un chef d’oeuvre
Le réalisateur aborde, outre la violence de la société mexicaine à cette époque, l’engouement pour les arts martiaux (clin d’oeil au Professeur Zovek, film humoristique mexicain), l’expropriation des petits propriétaires.
L’alliance somptueuse de l’esthétique, des souvenirs et de la poésie donnent naissance à un chef d’oeuvre, le meilleur film de cette année.
Nous vivons des moments d’éblouissement lorsque les enfants jouent sous la grêle et la famille se retrouve à la plage (plage et pluie que l’on retrouve aussi dans une Affaire de famille).
Ce film m’a rappelé les plans larges d’Orson Wells, à John Huston. La nostalgie et le désespoir, La nuit de l’iguane, La Dolce Vita de Fellini.
Lorsque l’enfant parle à Cleo et lui dit « quand j’étais vieux », on pense à Alfonso Cuaròn. Le film commence par un plan au sol et se termine par un plan tourné vers le ciel.
Et pour couronner cette belle histoire, son héroïne, jouée par Yalitza Aparicio (actrice débutante), se rendait au casting avec sa soeur pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’une arnaque au trafic d’organes. Elle est aujourd’hui nominée aux Critics Choice Award et est pressentie aux prochains Oscar.
J’espère que vous verrez Roma et vous souhaite de joyeuses fêtes.
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