Depuis Le Pianiste, Roman Polanski ne nous avait pas fait vivre un tel choc.
Le déshonneur de la France
Dès le début de son film J’accuse, nous sommes plongés dans la violence de l’antisémitisme de l’époque.
L’antisémitisme de toute une société a fait condamner deux fois un homme innocent au déshonneur, à la prison à vie, au bagne, et à la torture (alors qu’il était seul prisonnier sur une île déserte personne ne lui parlait et le soir, les gardiens lui enchaînaient les chevilles au lit avant de dormir).
La réalisation est magistrale.
Adapté du roman D de Robert Harris (l’auteur de Fatherland), toute l’enquête est décortiquée: des militaires antisémites qui cherchent un coupable idéal, un dossier d’accusation épais comme une feuille de papier, des services de renseignements proches de l’amateurisme et des hommes, dont l’un, Marie-Georges Picquart comprend qu’un innocent a été condamné et dévoile la machination à Émile Zola.
Il faut rappeler que Émile Zola a été condamné à un an de prison et 3000 francs d’amende après l’écriture de « J’accuse » dans le journal L’Aurore le 13 janvier 1898, trois ans après la condamnation d’Alfred Dreyfus.
Il partira en Angleterre avant que la peine ne soit exécutoire. Ses livres seront brûlés, ses biens seront saisis et l’on assiste à un regain d’antisémitisme (vitrines des magasins des juifs brisées, insultes…).
Quatre ans après qu’Alfred Dreyfus a été arrêté, il est condamné une nouvelle fois en 1899, gracié puis finalement innocenté… Alfred Dreyfus n’aura jamais le grade et la réparation qu’il mérite. Le film J’accuse lui rend justice.
De l’antisémitisme hier… à aujourd’hui
Roman Polanski a offert à Jean Dujardin le rôle de sa vie en Colonel Picquart, antisémite, passionné par l’armée, et pour qui la vérité compte avant tout. Jean Dujardin n’a jamais aussi bien joué.
Une pléiade de grands acteurs français, la musique d’Alexandre Desplat, la photographie de Pawel Edelman (directeur de la photographie sur Le Pianiste) font de ce film un chef-d’oeuvre et le meilleur film français de l’année.
Il a d’ailleurs remporté le Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise. Les Césars seront-ils à la hauteur ?
Les appels au boycott pour quelque raison que ce soit constituent un aberration, une atteinte à la liberté d’expression et à l’exposition de la vérité, celle d’une France au passé honteux, à l’antisémitisme féroce.
Ils ne font que renforcer le message que le réalisateur s’efforce de transmettre, l’antisémitisme d’hier a conduit à la Shoah. À quoi peut-on s’attendre lorsque l’on regarde l’antisémitisme d’aujourd’hui ?
Féministe, je condamne les appels au boycott de ce film. Il est essentiel. Courrez le voir avant qu’il ne soit trop tard.
Ouvrage écrit par Alfred Dreyfus: Cinq années de ma vie par Alfred Dreyfus (en publication libre)
TRAILER
Distribution (source Wikipedia)
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- Titre original français : J’accuse
- Italien : L’ufficiale e la spia
- International : An Officer and a Spy
- Réalisation : Roman Polanski
- Scénario : Robert Harris et Roman Polanski, d’après le roman D. de Robert Harris
- Premier assistant réalisateur : Hubert Engammare
- Direction artistique : Jean Rabasse
- Costumes : Pascaline Chavanne
- Photographie : Paweł Edelman
- Son : Lucien Balibar
- Montage : Hervé de Luze
- Musique : Alexandre Desplat
- Production : Ilan Goldman (Alain Goldman)
- Jean Dujardin : lieutenant-colonel Marie-Georges Picquart
- Louis Garrel : capitaine Alfred Dreyfus
- Emmanuelle Seigner : Pauline Monnier
- Grégory Gadebois, de la Comédie-Française : commandant Hubert Henry
- Hervé Pierre, de la Comédie-Française : général Charles-Arthur Gonse
- Wladimir Yordanoff : général Auguste Mercier
- Didier Sandre, de la Comédie-Française : général Raoul Le Mouton de Boisdeffre
- Melvil Poupaud : Me Fernand Labori, avocat d’Émile Zola au civil, puis du capitaine Dreyfus devant le 2e conseil de guerre
- Éric Ruf, de la Comédie-Française : colonel Jean Sandherr
- Mathieu Amalric : Alphonse Bertillon, expert graphologue
- Laurent Stocker, de la Comédie-Française : général Georges-Gabriel de Pellieux
- Vincent Perez : Me Louis Leblois, ami de jeunesse du lieutenant-colonel Picquart
- Michel Vuillermoz : lieutenant-colonel Armand du Paty de Clam
- Vincent Grass : général Jean-Baptiste Billot
- Denis Podalydès, de la Comédie-Française : Me Edgar Demange, avocat du capitaine Dreyfus devant les 1er et 2e conseils de guerre
- Damien Bonnard : Desvernine
- Laurent Natrella, de la Comédie-Française : commandant Ferdinand Walsin Esterhazy
- Bruno Raffaelli, de la Comédie-Française : juge Delegorgue
- Stefan Godin : général Darras (crédité Stéfan Godin)
- Pierre Poirot : greffier Vallecalle
- Luca Barbareschi : Philippe Monnier
- Mohamed Lakhdar-Hamina : Bachir
- Vincent de Bouard : Gribelin
- Philippe Magnan : procureur Brisset, président du 1er conseil de guerre
- Pierre Forest : le colonel Morel
- Jeanne Rosa : Martha Leblois
- Benoît Allemane : Georges Charpentier, éditeur d’Émile Zola
- Gérard Chaillou : Georges Clemenceau, éditorialiste à L’Aurore
- André Marcon : Émile Zola
3 réponses
Le film mérite bien des éloges en effet. J’attends de voir comment il sera accueilli par le cérémonial attendu des récompenses qui se profilent.