Au rythme de Vera Vera’s Tempo: The Woman Behind the Sound Vera Brandes film 2025

Au rythme de Vera : un film musical sans The Köln Concert

Au rythme de Vera – Le son du hors-champ

Une héroïne effacée du disque, révélée à l’écran

1975, Cologne. Une jeune femme de dix-sept ans, Vera Brandes, ouvre les portes de l’histoire musicale du XXe siècle.

Le film d’Ido Fluk ne cherche pas à reproduire The Köln Concert. Il choisit plutôt d’en raconter la matrice. Ni biopic, ni docu-fiction, Au rythme de Vera creuse un espace de fiction où l’héroïne, jusqu’ici marginalisée par les récits officiels, prend enfin corps. Elle ne brille pas par l’éclat d’un exploit, mais par sa capacité à rendre l’impossible tangible. Sans elle, le concert n’aurait pas eu lieu. Le film ne le rejoue pas. Il donne à voir ce que son absence, précisément, permet de révéler.

Le concert n’a pas lieu. Et pourtant, tout se joue

Le refus d’utiliser la moindre note du Köln Concert devient l’un des choix narratifs les plus radicaux du film. Ce n’est pas l’extase musicale que la caméra poursuit, mais la fabrication de l’instant. La logistique devient tension. Le couloir, le retard, le piano bancal, les portes fermées deviennent événements. Chaque geste de Vera compte, chaque hésitation, chaque coup de fil prend l’allure d’un solo muet. Le silence ne traduit pas une absence d’émotion, mais la densité de ce qui se joue en amont. Il y a urgence sans climax, rythme sans partition, chaos sans résolution.

Corps en tension, écoute en éveil

Mala Emde incarne Vera Brandes avec une intensité intérieure qui échappe aux codes du rôle féminin classique. Elle agit, organise, ne subit pas. Et elle se bat pour que le concert ait lieu sans en tirer gloire. Sa présence physique, fine, nerveuse, parfois épuisée, impose un autre tempo. Autour d’elle, les adultes doutent, fuient, tergiversent. Vera avance, sans assurance mais avec constance. John Magaro, en Keith Jarrett enfermé dans son silence et sa douleur dorsale, offre un contrepoint contenu. Son génie n’est jamais célébré. Il est attendu, redouté, presque craint. Ce n’est pas lui que le film veut comprendre, mais celle qui a rendu possible sa venue.

Quand la musique ne vient pas, le cinéma compose autrement

La musique, absente dans sa forme attendue, irrigue pourtant chaque image.

La bande originale, créée par Christoph M. Kaiser et Julian Maas, préfère le détour à la citation. Elle convoque des influences jazz, électroniques, krautrock, sans jamais tomber dans le mimétisme. L’ombre de Jarrett plane, sans jamais se poser. Ce parti-pris transforme l’écoute en tension active. Le spectateur n’entend pas ce qu’il attend. Il devine, il suppose, il comble. La musique devient ce qui manque, et ce manque devient langage. Ido Fluk compose alors un film de sons fantômes, de notes impossibles, de promesses sonores suspendues.

L’histoire dans les marges, la mémoire en résistance

Au rythme de Vera réécrit l’histoire sans héroïsme, sans voix off, sans pédagogie. Il préfère faire exister Vera Brandes dans l’épaisseur du présent, dans les couloirs, dans l’ombre des hommes. Le film refuse de la réduire à une jeune fille en avance sur son temps. Il lui rend sa pleine épaisseur politique. Vera agit dans un monde d’hommes, mais ce n’est pas là sa lutte. Elle veut que la musique ait lieu, coûte que coûte.

Ce geste-là devient un acte de création. Pas seulement artistique. Matériel, logistique, vital. Dans un monde où les figures féminines sont souvent réduites au silence ou à l’admiration, Vera incarne l’autre versant du génie : celui qui ne se joue pas sur scène, mais dans les arrières-plans du réel.

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