« Didi » film de Sean Wang : Portrait d’une adolescence authentique entre nostalgie et vérité
Rencontre avec le réalisateur d’un premier film bouleversant présenté au CEFF et primé à Sundance
Didi, film de Sean Wang : au final, c’est pas moins de 21 récompenses et 39 nominations que Didi a accumulé en peu de temps. Il a même été classé dans le top 10 des meilleurs films indépendants de 2024 par le National Board of Review. C’est dire si le premier long-métrage de Sean Wang fait sensation dans le milieu cinématographique.
C’est depuis l’autre bout du monde que Sean Wang nous rejoint pour parler de « Didi », (rencontre modérée par Perrine Quennesson au Champs Élysées Film Festival) son film d’adolescence qui a marqué les esprits lors de sa projection au CEFF. À 9h du matin pour lui, 18h pour nous, cette conversation internationale illustre parfaitement l’universalité de son œuvre : un portrait authentique de l’adolescence qui résonne bien au-delà des frontières.
Une autobiographie déguisée : l’origine personnelle du film Didi
« Didi » ne cache pas ses origines intimes. Sean Wang assume pleinement le caractère autobiographique de son film, tout en précisant les nuances de cette approche. « C’est probablement la chose la plus personnelle que j’aie jamais créée », confie-t-il dans notre interview exclusive. « Tout et rien à la fois s’inspire de mon vécu personnel. »
Le réalisateur de Didi, qui avait 13 ans en 2008 comme son protagoniste, partage avec lui bien des éléments : l’origine taïwanaise, une sœur aînée partant à l’université, la passion du skateboard. Wang, qui a notamment réalisé le court métrage documentaire « Nai Nai & Wài Pó » nommé aux Oscars en 2024, va plus loin dans sa démarche créative : « Dans ce conteneur autobiographique, tout est fictionalisé, dramatisé, modifié pour servir l’histoire que nous racontions. »
Cette histoire, c’est celle d’un garçon qui, tentant de s’adapter à chaque situation, finit paradoxalement par se démarquer et paraître maladroit. Un thème universel de l’adolescence que Wang explore avec une sincérité désarmante.
L’art du portrait brut : une adolescence sans fard
Ce qui frappe immédiatement dans « Didi », c’est l’authenticité de son personnage principal. Ce qui frappe d’abord dans Didi, c’est sa modestie et son désir d’authenticité. Loin des clichés du « gentil gamin de cinéma », Didi est imparfait, désordonné, parfois agaçant – bref, profondément humain. « Je voulais montrer des personnages qui semblent très réels, désordonnés, des gamins qui ne sont pas nécessairement polis », explique Wang.
Cette approche s’inscrit dans une lignée cinématographique précise. Le réalisateur cite ses influences : « Stand By Me », « Les 400 Coups », « This Is England » – des œuvres qui « offrent un portrait très brut et viscéral de l’adolescence masculine » sans éviter « les aspects difficiles : la solitude, la toxicité. »
Plus contemporain, « Didi » dialogue aussi avec « Mid90s » de Jonah Hill, « Superbad » de Greg Mottola, ou encore « Lady Bird » et « Eighth Grade ». Wang reconnaît cette filiation tout en revendiquant sa singularité : « Je savais que les gens allaient dire ‘c’est Mid90s et Eighth Grade, mais version asiatique’. J’ai délibérément essayé de ne pas tomber dans ce piège. »
Une histoire de famille au cœur du film
Au-delà du portrait adolescent, « Didi » révèle progressivement sa véritable nature : celle d’une histoire mère-fils. « C’est le cœur battant de l’histoire », souligne Wang. « Quand j’ai commencé à écrire il y a sept ans, c’était plus inspiré par ‘Stand By Me’ ou ‘Superbad’. Avec le temps, j’ai réalisé que je voulais que ce soit une histoire mère-fils. »
Le personnage de la mère, magnifiquement incarné par Joan Chen, échappe aux stéréotypes. Wang refuse la figure de la « mère tigre » asiatique stéréotypée pour explorer « un côté plus doux de la maternité, non moins complexe. » Le réalisateur s’inspire de sa propre mère – peintre, comme le personnage, dont les œuvres ornent le film – mais aussi de « beaucoup de mères immigrées asiatiques que j’ai connues – drôles, sensibles, douces, bienveillantes. »
Un casting révélateur : Isaac Wang et Joan Chen brillent
Le processus de casting de Didi, étalé sur huit mois, reflète cette recherche d’authenticité. Le film a d’ailleurs remporté le Special Jury Prize for Best Ensemble Cast au Sundance Film Festival 2024. La plupart des enfants du film sont des acteurs débutants, choisis pour leur capacité à incarner plutôt qu’à jouer. Isaac Wang, qui interprète Didi, « a apporté beaucoup de son propre humour et de son impertinence punk, mais s’est aussi défié de trouver la vulnérabilité intérieure du personnage. »
Joan Chen, malgré un temps d’écran limité, livre une performance saisissante. Sean Wang témoigne d’un sens du détail qui fait mouche, de l’image évocatrice, et de la nuance juste. Porté par les performances très touchantes de Izaac Wang, le film trouve son équilibre. « Avec juste un regard, on sent un million d’émotions tourbillonner en elle », observe Wang. Cette économie de moyens pour une efficacité maximale caractérise l’ensemble du film.
Nostalgie technologique : l’adolescence à l’ère 2.0
« Didi » capture également un moment charnière de l’histoire technologique : cette période 2008-2009 où coexistaient fin de MySpace, début de Facebook, et persistance d’AIM. « Je n’avais jamais vu cette version d’Internet représentée honnêtement au cinéma », explique Wang.
Cette approche dépasse la simple nostalgie pour devenir révélatrice. « On voit les germes de ce qu’Internet a fait à notre culture – cette idée de créer une identité, ce sentiment anxieux de voir les autres vivre sans vous. » Le film saisit intuitivement les prémices de nos rapports actuels aux réseaux sociaux, dans une époque où cette problématique n’était pas encore conceptualisée.
L’avenir d’une voix prometteuse du cinéma indépendant
Après le succès de « Didi », Sean Wang prépare déjà la suite. « Je commence à écrire le prochain film que je veux réaliser », confie-t-il, évoquant aussi son rôle de producteur sur le prochain projet de son collaborateur. Cette réciprocité illustre l’esprit collaboratif qui semble animer le jeune réalisateur.
« Didi » s’impose comme un premier film remarquable, qui transcende ses origines autobiographiques pour toucher à l’universel. En refusant les facilités du portrait adolescent idéalisé, Sean Wang livre une œuvre d’une sincérité rare, qui résonne aussi bien pour sa justesse psychologique que pour son regard lucide sur notre époque. Un film qui confirme l’émergence d’une voix singulière dans le paysage cinématographique contemporain.
À voir absolument : Film projeté au CEFF – Sortie en salles le 16 juillet 2024
Nos avis : ★★★★☆ – Un premier film touchant et authentique qui évite les écueils du genre Genre : Drame, Coming-of-age Durée : 93 minutes Avec : Isaac Wang, Joan Chen, Shirley Chen Distribution : Focus Features
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