Muganga

Muganga, celui qui soigne, celui qui résiste

Muganga, le combat de Denis Mukwege

Il est des films qui changent notre regard sur le monde. Muganga, en swahili, celui qui soigne, en fait partie.
>Marie-Hélène Roux, réalisatrice qui a grandi au Gabon (comme moi, ndlr) a mis dix ans pour faire naître ce film sur nos écrans, coécrit avec Jean-René Lemoine, inspiré du livre Panzi signé par Denis Mukwege et Guy-Bernard Cadière.

Ce livre témoigne du combat mené à l’hôpital Panzi, refuge où le docteur Mukwege soigne des milliers de femmes victimes de violences sexuelles en République démocratique du Congo.

Marie-Hélène Roux a choisi de tourner Muganga dans son pays d’enfance, notamment à Lambaréné, pour des raisons de sécurité impérieuses liées aux menaces en RDC.

 

Muganga

Un contexte géopolitique lourd et complexe

Alors que notre actualité est bien triste, le Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix en 2018, et son collègue belge Guy-Bernard Cadière, redonnent foi en l’humanité et dans la force subversive de la compassion active par le soin qu’ils apportent à ces milliers de femmes détruites par le viol, l’abandon de leur communauté, le Sida et les grossesses non désirées.

Une scène forte oppose les deux médecins sur la question sensible de l’avortement, interdit en RDC et que refuse de pratiquer le docteur Mukwege qui est aussi pasteur, mais qui est aussi vital pour certaines femmes. Ce débat reflète la complexité humaine où se croisent foi, droits et éthique.

Sur fond d’un pays déchiré, riche en minerais stratégiques comme le coltan, dont 80% de la production mondiale se trouve dans la région du Kivu. Les agressions sexuelles massives touchent jusqu’à 40% des femmes dans certaines régions de l’est du Congo, avec plus de 400 000 cas recensés par l’ONU entre 1996 et 2010.
Le coltan alimente aussi bien nos smartphones que les poches de groupes armés et d’intervenants étrangers, en particulier le M23. Mouvement rebelle soutenu par l’armée rwandaise, il contrôle depuis plusieurs années des zones minières stratégiques. Ce contrôle s’est encore renforcé en 2024-2025, avec la prise de territoires essentiels comme Bukavu.

Ce contexte complexe s’enracine dans une histoire lourde. Le Congo fut d’abord la propriété personnelle du roi Léopold II avant de devenir une colonie belge, où l’exploitation féroce des populations et ressources a laissé une fracture profonde. Le rôle du Rwanda et du Burundi, annexés à l’époque comme Ruanda-Urundi, ajoute aux tensions régionales et aux conséquences tragiques qui s’étendent aujourd’hui.

Muganga, au cœur de Panzi : lutte, soin et reconstruction

Aujourd’hui, c’est au cœur de Panzi, un lieu à la fois de reconstruction physique et morale, que les deux médecins opèrent, quelles que soient les conditions, comme les coupures d’électricité, aidés par des infirmières, parfois elles-mêmes anciennes victimes, soignées par le docteur.

Muganga

Des personnages forts, une narration intense

L’histoire mêle la figure de Mukwege, incarné avec brio par Isaach de Bankolé, et celle de son collègue belge Guy-Bernard Cadière, interprété par Vincent Macaigne</strong>. Ce duo offre une belle intensité entre respect, débats et complémentarités. Les deux acteurs se sont longuement entretenus avec le Dr Mukwege pour être au plus près de la vérité.

Le film accorde une place centrale aux survivantes, ces femmes qui luttent et tentent de reconstruire leur vie. L’endroit devient leur maison. Les femmes violées sont rejetées de leur village, et ont aussi bien trop peur de s’éloigner du seul refuge qu’elles ont. À Panzi, on les aide à ne plus se voir que en tant que victimes mais à se reconstruire, apprendre un métier, être autonome. C’est aussi en puisant loin dans la résilience qu’elles peuvent trouver l’aide dont elles ont besoin. Mais on a du mal à imaginer comment elles y parviennent tant sont indescriptibles les violences physiques qu’elles ont subi et la destruction morale qui en découle. Et le film nous met face à ce constat, la douleur, la souffrance terrible des femmes violées en RDC et partout ailleurs.

Nous ressentons toute l’authenticité et la force de cette douleur, car la réalisatrice connaît profondément le continent. Ses échanges avec le Dr Mukwege ont insufflé à Muganga la vérité des grands films.

Muganga

Éthique et complexité humaine au cœur du débat

Muganga s’ouvre sur une scène de viol, accompagnée du discours de Mukwege, montrant d’abord une famille blanche occidentale pour créer une identification immédiate du spectateur. Ce cadre bascule progressivement vers la réalité congolaise, soulignant que cette violence, loin d’être étrangère, est universelle. Ce dispositif, qui évite le choc gratuit, frappe par sa puissance sensorielle et invite à une prise de conscience intime.

À travers les personnages principaux Blanche, Busara et Maïa, incarnées par Babetida Sadjo, Déborah Lukumuena et Manon Bresch, le film décline un récit choral où la reconstruction appartient aux femmes elles-mêmes, nourrie par un engagement collectif.

Un manifeste contre l’impunité

Au-delà du témoignage, Muganga est un manifeste qui dénonce l’utilisation systématique des violences sexuelles comme arme de guerre destinée à fragiliser les communautés pour mieux piller leurs ressources. Il interpelle tout le monde : les responsables de l’ONU qui rendent visite au docteur chaque année totalement impuissants, les journalistes, les complices du gouvernement congolais, les consommateurs dépendants du coltan et autres minerais du Kivu.

Donner la voix aux survivantes

Porté par les performances d’Isaach de Bankolé, Vincent Macaigne et des comédiennes, Babetida Sadjo, Déborah Lukumuena et Manon Bresch, Muganga donne corps et voix à celles qu’on voudrait faire taire.

Mukwege déclare : « J’ai reçu toutes les médailles. Ce qu’il faut maintenant, c’est que les choses changent. »
Muganga est une étape vers ce changement nécessaire.

 

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En salle cette semaine, mercredi 24 septembre, à voir absolument.

Bande-annonce

 

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