MAMA d’Or Sinai : l’exil au féminin, entre effacement et renaissance
MAMA, d’Or Sinai, présenté à Cannes cette année, bouscule les codes du cinéma social par une approche intime et sensorielle de l’exil au féminin.
Exil et Métamorphose : un récit universel
Et si l’on racontait l’exil non comme un déplacement, mais comme une métamorphose ?
Or Sinai filme l’absence, la frontière, l’entre-deux, pour révéler l’histoire invisible de milliers de femmes migrantes. À travers Mila, immigrée polonaise en Israël, la réalisatrice explore les silences familiaux, le coût intime du sacrifice et la violence feutrée d’une société qui relègue ses héroïnes à la marge.
MAMA au Festival de Cannes : un film international
MAMA a été sélectionné à la Quinzaine des Cinéastes du Festival de Cannes 2025. Cette reconnaissance propulse Or Sinai sur la scène internationale. Coproduit par Israël, la Pologne et l’Italie, le film circule déjà dans de nombreux festivals et marque les esprits par son regard neuf sur la migration féminine.
En Israël, la presse salue l’originalité du point de vue ; en Pologne et en Italie, le film séduit par la justesse de son portrait de femme et la portée universelle de son récit.
Synopsis du Film : Mila, entre deux mondes
Mila a quitté la Pologne depuis quinze ans pour travailler comme employée de maison en Israël. Invisible dans sa vie quotidienne, elle occupe le sous-sol d’une famille aisée. Un accident la ramène dans son village natal. Elle découvre que sa famille s’est reconstruite sans elle. Le retour ne guérit rien : Mila doit affronter l’étrangeté de sa propre maison, tenter de reprendre sa place, et se confronter à la difficulté d’exister entre deux mondes.
Or Sinai : une histoire personnelle
Le film puise sa force dans la biographie de la réalisatrice. Enfant, Or Sinai a vu arriver une aide-soignante étrangère chez elle. Cette expérience nourrit la construction de Mama : il ne s’agit pas seulement de dénoncer l’injustice, mais de donner chair à la construction d’identités “entre deux”, ni d’ici, ni de là-bas.
Mila, personnage central, incarne la travailleuse, la mère, l’amante, la femme désirante, sans jamais se réduire à un rôle unique.
Corps féminin et résistance
La réussite de Mama tient à sa manière de filmer la réappropriation du corps. La caméra épouse les gestes de Mila : ménage, fatigue, désir, retour. Mila ne se laisse pas enfermer dans la servitude. Par ses choix vestimentaires, ses silences, ses éclats, elle tente de s’inventer, de préserver sa dignité, de négocier ses propres règles, même dans un espace restreint.
Evgenia Dodina livre une performance tout en nuance, oscillant entre lassitude et fierté.
Critique : Mama, Roma et The Chambermaid
Le film d’Or Sinai dialogue avec Roma d’Alfonso Cuarón et The Chambermaid de Lila Avilés. Tous trois placent au centre une héroïne invisible, soumise au travail domestique mais animée par le désir de dignité.
Dans Roma, Cleo traverse les épreuves avec une force silencieuse. Dans The Chambermaid, Eve tente d’exister au-delà de la routine imposée. Comme Mila, ces femmes s’autorisent la tendresse, l’amour, l’affirmation de soi. Leur liberté demeure fragile, mais chaque geste, chaque regard, porte la marque d’une résistance.
Réception internationale et impact
Sélectionné à Cannes, présenté dans de nombreux festivals, Mama bénéficie d’un écho particulier en Israël, en Pologne et en Italie. Le film s’adresse à tous ceux que la migration, l’exil ou la réinvention de soi questionnent. Il pose la question de la dignité : comment rester soi dans un monde qui pousse à l’effacement ?
Un film à découvrir
Mama est un film rare sur l’exil, le corps et la métamorphose féminine. Or Sinai offre un geste de cinéma universel, qui invite à regarder autrement celles qu’on laisse à la marge. À voir, à discuter, à partager.