Celine Song masterclass

Celine Song : masterclass, secrets de réalisation et inspiration

Celine Song : Masterclass intégrale

Secrets de réalisation, direction d’acteurs et musique dans Past Lives et Materialists

Celine Song, 35 ans, s’impose comme l’une des voix les plus singulières du cinéma contemporain.

Après le triomphe critique et commercial de Past Lives, nommé aux Oscars 2024 dans les catégories Meilleur Film et Meilleur Scénario Original, la réalisatrice revient avec Materialists, une comédie romantique new-yorkaise portée par Dakota Johnson, Pedro Pascal et Chris Evans. Sa masterclass exceptionnelle révèle les coulisses d’un processus créatif aussi rigoureux qu’instinctif, où l’intime rencontre l’universel.

Un parcours atypique : de l’entremetteuse à la réalisatrice

« Je savais que j’étais une réalisatrice, mais personne d’autre ne le savait. C’était un secret que j’avais, et c’était un peu fou. J’avais environ six mois, et à ce moment-là, j’ai pensé que je devais prendre ces six mois pour réfléchir à ce que j’allais faire. »

L’ascension de Celine Song illustre parfaitement les paradoxes de New York, cette ville où rêves et pragmatisme s’entrechoquent. Née en Corée du Sud et émigrée au Canada puis aux États-Unis, elle a d’abord exercé un métier pour le moins inhabituel dans le milieu cinématographique : entremetteuse professionnelle.

« Il faut être romantique ou cynique pour y vivre, tant la vie y est chère. »

Cette expérience, loin d’être anecdotique, nourrit directement Materialists. Le film suit Lucy (Dakota Johnson), une entremetteuse cynique qui considère son travail comme celui d’un banquier évaluant la valeur de ses clients sur le marché amoureux. Song transforme ainsi son passé en matière fictionnelle, illustrant sa capacité à transmuter l’expérience personnelle en narration universelle.

« J’ai travaillé comme entremetteuse professionnelle dans mes vingt ans, parce que c’était le seul job alimentaire que je pouvais avoir à New York. Là-bas, tout le monde essaie de réaliser son rêve, donc le marché du travail alimentaire est très compétitif. »

La méthode Song : anticipation et préparation minutieuse

Ce qui frappe chez Celine Song, c’est son approche stratégique de la création. Bien avant que Past Lives ne devienne le phénomène critique qu’on connaît, elle préparait déjà son coup suivant :

« J’ai pris ces six mois, entre la fin de Past Lives et sa sortie à Sundance, pour écrire Les Matérialistes. Pendant tout ce temps où Past Lives était en train de se faire, je savais que mon prochain film serait Materialists, et on commençait déjà à le monter. Après les Oscars, le lendemain, j’ai repris l’avion de Los Angeles à New York, et dès le lendemain, j’étais dans un van à faire des repérages pour Materialists. »

Cette méthode révèle une réalisatrice qui ne se contente pas de surfer sur le succès, mais qui construit patiemment une œuvre cohérente. Past Lives a déjà remporté le Gotham Award du Meilleur Film, confirmant sa reconnaissance par ses pairs.

New York comme laboratoire créatif

Pour Celine Song, New York n’est pas qu’un décor, c’est un personnage à part entière. La ville incarne les contradictions de la modernité amoureuse qu’elle explore dans ses deux films :

« New York, c’est une ville dans laquelle tout le monde vient pour vivre de sa passion, donc le marché du boulot alimentaire est saturé. »

Cette observation, teintée d’humour grinçant, éclaire la genèse de Materialists. Décrit comme « une comédie romantique new-yorkaise », le film explore les nouveaux codes de la séduction dans une société où tout se monnaye, y compris les sentiments.

Philosophie de l’amour : matérialisme et transcendance

L’originalité de Celine Song réside dans sa capacité à aborder l’amour sans romantisme béat ni cynisme facile. Ses deux films forment un diptyque cohérent sur les relations humaines contemporaines :

« Sans trop dévoiler le plot de Materialists, on sait que son héroïne est une femme qui se revendique matérialiste, et qui pense que l’amour et l’argent sont intimement liés, qu’on ne peut pas faire l’économie de l’argent, même en amour. »

Si Past Lives était « une méditation nostalgique sur la façon dont nous percevons nos relations passées à la lumière de notre amour actuel », Materialists explore plus frontalement « les racines des connexions matrimoniales et comment nous avons perverti cette quête ».

« Je pense que ça a plus à voir avec qui je suis en tant que réalisatrice, parce que je me sens comme quelqu’un qui fait des films sur l’amour, qui est un thème universel. Si on veut vraiment parler de l’amour ouvertement, on ne peut pas éviter ce qui est fondamental dans la vie humaine, c’est-à-dire le matériel. »

Féminisme pragmatique et représentation

Celine Song assume pleinement sa position de femme réalisatrice sans pour autant se limiter à cette étiquette :

« Est-ce que c’est jouissif de décrire des personnages féminins qu’on a très peu vus et qui assument d’être ce qu’elles sont ? Je pense que la perspective d’un film fait par une femme est toujours une position marginalisée, juste par la structure même de l’industrie du cinéma. »

Cette lucidité sur les enjeux de représentation transparaît dans ses choix narratifs. Ses héroïnes – Nora dans Past Lives, Lucy dans Materialists – ne sont ni des victimes ni des icônes, mais des femmes complexes naviguant entre désirs contradictoires.

Vision du cinéma : universalité et spécificité culturelle

Son regard révèle une conscience aiguë des différences culturelles dans l’approche du cinéma romantique :

« J’étais en train de discuter avec le studio de ce que ça signifie de vendre et montrer un film romantique en Amérique aujourd’hui. En France, ce qui est intéressant, c’est que le cinéma est un cinéma de l’amour. Je sens que le cinéma français comprend que l’amour est un thème universel, un thème qui doit être vu sur grand écran. »

Cette observation révèle sa position d’équilibriste entre cinéma d’auteur et divertissement populaire, heritage du cinéma européen et codes hollywoodiens.

Direction d’acteurs : rigueur et contrôle créatif

La méthode de Song en matière de direction d’acteurs se distingue par son refus de l’improvisation :

« Je ne laisse aucune place à l’improvisation sur le plateau. Toutes les suggestions sont vues en amont. »

Cette approche, qui pourrait sembler rigide, s’avère en réalité libératrice. En préparant minutieusement ses dialogues – qu’elle fait lire à des scénaristes plutôt qu’à des acteurs pour préserver leur fraîcheur –, elle permet aux comédiens de se concentrer sur l’émotion plutôt que sur la construction narrative.

Comme elle l’explique : « Le rêve de ce film est que le public se l’approprie personnellement, qu’il lui reste sous la peau ». Cette ambition de créer une résonance intime passe par une précision dramaturgique absolue.

La musique comme extension du scénario

« La musique est proche du scénario, elle arrive juste après. »

Celine Song conçoit la bande sonore comme un élément narratif à part entière, développé dès la finalisation du script. Cette approche holistique garantit une cohérence esthétique où chaque élément – dialogue, silence, musique – sert l’intention globale du film.

Pour Past Lives, elle a fait appel à Christopher Bear et Daniel Rossen, deux membres du groupe indie rock Grizzly Bear, marquant leurs débuts dans la composition de musique de film. Bien que la musique de Grizzly Bear ait été utilisée dans des films par le passé, c’était la première fois qu’ils composaient spécifiquement pour le cinéma.

La bande originale de Past Lives, décrite comme « aussi réfléchie et d’une beauté douce-amère que le film lui-même », souligne parfaitement l’ellipse temporelle et la mélancolie des retrouvailles. L’album, composé de 16 morceaux d’une durée totale de 40 minutes, accompagne subtilement la narration sans jamais la dominer.

Pour Materialists, Song s’associe à Daniel Pemberton, compositeur britannique renommé notamment pour ses travaux sur « Spider-Man: Into the Spider-Verse » et « Spider-Man: Across the Spider-Verse ». Cette collaboration marque un changement d’approche musicale, avec une partition plus contemporaine complétée par des chansons existantes et des créations originales, notamment celle de Japanese Breakfast (Michelle Zauner) intitulée « My Baby (Got Nothing At All) ». L’album, sorti le 13 juin 2025 chez A24 Music, mélange habilement score original et morceaux emblématiques comme « Material Girl » de Madonna, créant un pont entre l’univers sonore new-yorkais et les préoccupations matérialistes du film.

Deux esthétiques complémentaires

La comparaison entre ses deux films révèle sa versatilité : là où Past Lives privilégiait « une texture vaporeuse, presque nostalgique », Materialists adopte une approche « plus frontale ». Cette évolution démontre sa capacité à adapter sa mise en scène aux exigences de chaque récit.

Dans Materialists, le dialogue devient central, reflétant l’univers bavard et calculateur de l’entremetteuse. À l’inverse, Past Lives puisait sa force dans les non-dits et les silences chargés d’émotion. Cette dualité illustre la maturité artistique d’une réalisatrice qui refuse de se cantonner à une signature unique.

L’impact critique et commercial

Le succès de Past Lives – film semi-autobiographique nommé aux Oscars pour le Meilleur Film et le Meilleur Scénario Original – propulse Song dans la cour des grands. Le film, désormais disponible sur Netflix, continue de toucher de nouveaux publics.

Materialists génère déjà l’attention internationale, décrit comme « une masterclass dans l’art de tisser des questions profondes dans un récit à la fois captivant et émotionnellement intelligent ».

Conclusion : une voix cinématographique émergente

Celine Song incarne une nouvelle génération de cinéastes capables de réconcilier exigence artistique et accessibilité populaire. Son approche du cinéma romantique, débarrassée des clichés du genre, ouvre de nouvelles perspectives narratives.

Sa méthode – anticipation stratégique, direction d’acteurs rigoureuse, intégration précoce de la musique – forge une signature reconnaissable tout en servant des propos universels. Avec seulement deux films, elle s’impose déjà comme une référence du cinéma contemporain, capable de transformer l’intime en épopée collective.

Dans un paysage cinématographique souvent dominé par les franchises et les effets spectaculaires, Song rappelle que les histoires les plus puissantes naissent souvent des expériences les plus personnelles. Son parcours d’entremetteuse reconvertie en conteuse d’histoires d’amour illustre parfaitement cette alchimie entre vécu et fiction qui fait la force du cinéma d’auteur.

Celine Song confirme avec Materialists qu’elle n’est pas un phénomène éphémère mais une cinéaste de long terme. Son regard, mêlant lucidité contemporaine et romantisme assumé, renouvelle un genre trop souvent réduit à ses facilités. Une trajectoire à suivre de près.

Pour découvrir l’univers de Céline Song et suivre l’actualité du cinéma d’auteur, abonnez-vous à Movie in the Air.

Cette masterclass exclusive a été organisée dans le cadre du Champs-Élysées Film Festival 2025 (CEFF) au Cinéma Paris – Le Balzac.

Elle était animée par Emmanuelle Spadacenta, Rédactrice en chef de CINEMATEASER MAGAZINE.

 

 

 

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