Critique film The Shameless Cannes 2024 : amour interdit et cinéma radical
Voici notre critique The Shameless film, une œuvre singulière présentée dans la section Un Certain Regard du Festival de Cannes 2024. Konstantin Bojanov y construit un récit de la fuite, du désir et du sacrifice, où l’expérience sensorielle prime sur toute narration linéaire. Inspiré par la tradition des devadasis — jeunes filles consacrées à une divinité, puis livrées à la prostitution rituelle — le film s’ancre dans une réalité sociale occultée qu’il transcende par une mise en scène stylisée et frontale.
De ce substrat documentaire, Bojanov tire une fiction au souffle tragique. Le feu, la nuit, les regards, la fuite : tout compose un monde clos, tendu, sans échappatoire. Il y a une cohérence esthétique forte, mais aussi une dureté qui dessèche l’émotion. The Shameless ne propose ni humour, ni pauses, ni contrepoints. Ce refus du confort formel — cohérent — rend la projection éprouvante.
Ce climat oppressant est pourtant le théâtre d’une histoire d’amour rare au cinéma : celle entre deux femmes que tout sépare, à commencer par l’âge. Anasuya Sengupta, Prix d’interprétation féminine à Cannes, incarne Renuka, femme abîmée, fugitive, hantée par la violence. Face à elle, Omara Shetty (Devika) donne corps à une adolescente qu’elle tente de soustraire à un destin sacrificiel. Leur lien est physique, assumé, transgressif. Cette critique The Shameless film met en lumière cette histoire d’amour filmée sans voyeurisme, mais avec une tension morale palpable liée à la différence d’âge.
On regrette que le passé de Renuka reste dans l’ombre. Ce silence, s’il peut se justifier artistiquement, amoindrit la portée du personnage. Car ce n’est pas une survivante abstraite, mais une femme marquée, complexe, qui aurait mérité d’être davantage creusée.
Une mise en scène radicale, entre symbolisme et opacité
Bojanov revendique l’influence de Vol au-dessus d’un nid de coucou, et met en scène une figure de marginale révoltée broyée par l’ordre social. Mais à la différence du film de Forman, The Shameless abandonne toute illusion d’espoir collectif. L’action est tenue à distance ; les gestes décisifs (viol, avortement, sacrifice) sont relégués hors champ. Ce refus du spectaculaire évite la complaisance mais crée aussi un flou symbolique qui, parfois, neutralise l’effet dramatique.
La photographie, de toute beauté, impose un esthétisme affirmé : clairs-obscurs, filtres rouges, plans fixes construisent une forme d’hypnose visuelle. Pourtant, à force de tension constante, le film perd en incarnation. L’image domine le récit, et l’intensité émotionnelle s’efface peu à peu au profit d’une opacité formelle.
En refusant toute forme de simplification — qu’elle soit narrative, émotionnelle ou visuelle — The Shameless s’impose comme une œuvre radicale, aussi nécessaire que difficile d’accès. Ce n’est pas un film qui accompagne le spectateur, mais un film qui le confronte.
Bojanov ne cherche ni l’émotion facile ni l’identification. Ce refus du compromis fait de The Shameless un film singulier, exigeant, dérangeant. Mais il laisse aussi le spectateur dans un inconfort non compensé par une résolution ou une clarté narrative. The Shameless est un film qu’on admire plus qu’on ne l’aime. Et peut-être est-ce exactement ce qu’il cherche.
Faut-il voir The Shameless ?
Oui, pour son audace formelle, la force de ses actrices et la rareté de son sujet. Mais il faut s’y préparer : The Shameless est un film dur, sans concessions.
Et vous, qu’avez-vous pensé de The Shameless ? Dites-le-nous en commentaire ou sur @movieintheair.