« On becoming a Guinea Fowl » réalisé par Rungano NYONI
Prix du Jury – Un Certain Regard.
Sélection Un Certain Regard
Avec Susan Chardy
SYNOPSIS
Sur une route déserte au beau milieu de la nuit, Shula tombe sur la dépouille de son oncle.
Alors que des funérailles se préparent, Shula et ses cousines mettent en lumière les secrets enfouis de leur famille de la classe moyenne zambienne.
Dans ce film surréaliste et vibrant, la cinéaste Rungano Nyoni sonde les mensonges que nous nous racontons à nous-mêmes.
CRITIQUE
Il y avait très peu de films tournés sur le continent africain sélectionnés cette année.
On becoming a guinea fowl est le premier film zambien sélectionné à Cannes. Il est produit et réalisé par deux femmes, Eva Yates et Rungano Nyoni. D’ailleurs ce film est une histoire sur les femmes, ce sont elles que nous voyons à l’écran.
L’histoire est celle de Shula, une jeune femme moderne, qui, en pleine nuit, découvre le corps de son oncle.
Impassible, elle retourne chez elle et les funérailles coutumières se préparent bientôt. Or, on apprend que cet homme était un violeur et qu’il a incesté plusieurs jeunes filles de la famille, dont Shula.
Les femmes de la famille gardent le silence et la réalisatrice nous interroge sur la justice. Que devient-elle lorsque l’auteur d’un crime est décédé ?
Alors qu’elle est en charge de toute l’organisation des funérailles, et qu’elle assume tout en tant qu’aînée, Shula est la seule qui ose prendre la parole pour dénoncer les agissements de son oncle. Elle s’occupe de toutes les jeunes femmes de son âge, cuisine, achète de la nourriture, s’occupe de l’installation des tables…
Les jeunes femmes et les veuves
Les hommes passent comme des silhouettes, ils ont le pouvoir de décider mais font figure d’assistés et n’ont aucune envergure. Lorsque Shula demande des comptes sur son oncle à son père, il lui répond « « Tu veux que je déterre le cadavre pour lui demander ce qui s’est passé ? ».
Outre l’inceste, la réalisatrice nous parle du veuvage. Lorsqu’un homme meurt, la faut incombe à la femme qui s’est mal occupée de son mari. Et cela tourne au procès, même si elle était violée ou battue par cet homme. La famille du mari récupère tous ses biens matériels et la femme, même si elle a des enfants, se retrouve sans rien.
Un film très fort donc, sur l’inceste, le silence et les traditions, emprunt de mysticisme (une partie de l’action se déroule souvent la nuit) marqué par la photographie magnifique de David Gallego. Un vrai coup de coeur.
La productrice et la réalisatrice ont d’ailleurs été ovationnées toutes les deux pendant un long moment à l’issue de la projection.
On becoming a guinea fowl – Rungano NYONI
« Dans quelle mesure les histoires que nous racontons sont-elles altérées par la mort, et quelles répercussions ont-elles sur les vivants ?
Dans ma tribu, nous croyons que lorsqu’une personne meurt, tout meurt avec elle.
Les funérailles sont pour les vivants, pas pour les morts.
Il est aussi tabou de dire du mal des morts. Je pense que c’est le cas dans la plupart des cultures. Ainsi, quels que soient vos griefs à l’égard du défunt, ils disparaissent et sont enterrés avec lui. Les Bembas croient également que les personnes naissent bonnes et que ce sont les circonstances qui les transforment ; c’est pourquoi on n’honore que les bons côtés de la personne après son décès.
En outre, nous croyons beaucoup aux esprits et aux ancêtres, et personne n’a envie de se retrouver hanté par l’esprit d’un proche parce qu’il en a dit du mal lors de ses obsèques. Il y a donc de nombreux avantages à garder le silence. »